Le quasi-usufruit en succession : un mécanisme à connaître pour mieux protéger ses proches
- Julie Scartabelli
- 31 juil.
- 4 min de lecture

En matière de succession, certaines notions juridiques peuvent sembler complexes mais ont pourtant des conséquences très concrètes dans la vie des familles. Le quasi-usufruit en fait partie.
Il s’agit d’un mécanisme discret mais fondamental, qui intervient souvent lors du décès d’un conjoint ou d’un parent. Bien compris et bien utilisé, il peut permettre de préserver les intérêts du conjoint survivant, tout en garantissant les droits des enfants ou des héritiers.
I. La notion
Lorsqu’on parle de quasi-usufruit, il faut d’abord revenir à ce qu’est l’usufruit en général. L’usufruit est le droit de se servir d’un bien ou d’en percevoir les revenus, sans en être le propriétaire.
À l’inverse, la nue-propriété est le droit de disposer du bien, mais sans en avoir l’usage immédiat. C’est ce qu’on appelle le démembrement de propriété.
Par exemple, un conjoint survivant peut avoir l’usufruit d’une maison (il peut y habiter ou la louer), tandis que les enfants en détiennent la nue-propriété (ils en deviendront pleinement propriétaires à son décès).
Mais certains biens, comme de l’argent sur un compte bancaire ou des placements financiers, ne peuvent pas être simplement « utilisés » puis rendus tels quels. Une fois l’argent dépensé, il n’est plus là. Dans ce cas, on parle de quasi-usufruit. Le conjoint survivant peut librement utiliser les sommes, à condition que, à son décès, la valeur correspondante soit restituée aux nus-propriétaires. En d’autres termes, l’usufruit porte ici sur des biens consommables par nature, comme des liquidités.
A. Le quasi-usufruit légal
Dans certains cas, le quasi-usufruit existe automatiquement, sans qu’il soit besoin de l’aménager. C’est ce qu’on appelle le quasi-usufruit légal. Il intervient notamment lorsque le conjoint survivant opte, en présence d’enfants communs, pour l’usufruit de la totalité de la succession, une option prévue par la loi et que la succession comprend un compte bancaire, un livret bancaire (Livret A, LDD, LEP. Le conjoint pourra en disposer librement pendant toute sa vie. Mais les enfants auront droit à une créance de restitution équivalente à la valeur de ces biens au moment du décès du conjoint survivant. Ce mécanisme permet d’assurer une sécurité financière immédiate au conjoint tout en préservant les droits des enfants à terme.
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B. Le quasi-usufruit conventionnel
Il est aussi possible d’aménager volontairement un quasi-usufruit sur d'autres biens comme des actions, des parts de sociétés ou des placements collectifs. Certains auteurs admettent également la constitution d'un quasi-usufruit sur contrat capitalisation ou d'assurance-vie.
Enfin, une convention de quasi-usufruit pourra être envisagée lors de la vente d'un bien immobilier par l'usufruitier et le nu-propriétaire dès lors que le prix est laissé à la disposition de l'usufruitier (par exemple pour qu'il puisse financer une maison de retraite).
II. L'intérêt
Le quasi-usufruit présente plusieurs avantages concrets. Il permet d’abord au conjoint survivant de conserver un certain niveau de vie, en lui donnant l’accès aux sommes nécessaires pour faire face aux dépenses quotidiennes, aux soins ou à l’entretien d’un bien immobilier. Il permet aussi d’éviter des conflits familiaux, en clarifiant les droits de chacun dès le départ.
Toutefois, ce mécanisme repose sur un principe fondamental : la somme utilisée par le conjoint doit être restituée à son décès. Pour que cela soit possible, il est fortement recommandé d'établir une convention de quasi-usufruit contenant un inventaire précis des biens concernés. En l’absence de trace écrite, il peut être difficile, plusieurs années plus tard, de prouver l’existence d’une créance de restitution au profit des héritiers.
Au décès du conjoint usufruitier, la créance de restitution devient exigible. Elle peut alors être inscrite au passif de sa succession, ce qui réduit d’autant la part nette des autres héritiers. Cette reconnaissance est essentielle pour que les enfants ou les nus-propriétaires puissent faire valoir leurs droits sans contentieux.
Le quasi-usufruit est donc un outil juridique efficace, à condition d’être bien anticipé et sécurisé. Il peut être mis en place dans le cadre d’une succession simple, mais il est aussi très utile en cas de familles recomposées ou de patrimoines complexes. Il répond à un objectif d’équilibre : protéger le conjoint tout en assurant une transmission équitable aux enfants.
Une convention de quasi-usufruit peut aussi prévoir une obligation d'emploi des fonds (par exemple : affecter les fonds sur tel contrat, dans tel banque) ou une prise de garantie (par exemple un tiers se porte caution ou la prise d'une hypothèque sur un bien immobilier). Ces clauses permettent de garantir la restitution des fonds.
Dans certains cas, il est également possible de d'insérer une clause d'indexation de la créance de restitution ou de revalorisation.
Pour éviter tout malentendu ou toute situation litigieuse entre héritiers, il est préférable de se faire accompagner par un professionnel du droit. En tant qu’ancienne notaire et aujourd’hui avocate en droit des successions, je vous propose de vous aider à préparer votre transmission, à rédiger les clauses adaptées et à sécuriser juridiquement vos volontés.




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