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L’assurance-vie est-elle vraiment hors succession ?

  • Julie Scartabelli
  • 29 mai
  • 3 min de lecture

L’assurance-vie est souvent présentée comme un outil de transmission patrimoniale permettant d’échapper aux règles de la succession. En pratique, cette affirmation mérite d’être nuancée. Si l’assurance-vie bénéficie d’un cadre juridique et fiscal spécifique, elle n’est pas systématiquement « hors succession ». Tour d’horizon d’une question fréquemment posée à l’avocat en droit des successions.


Une fiscalité avantageuse en principe


L’assurance-vie est un contrat par lequel une personne (le souscripteur) verse des primes à un assureur, qui s’engage à verser un capital ou une rente à un bénéficiaire désigné en cas de décès. L’un des principaux attraits de ce contrat réside dans sa fiscalité dérogatoire. En effet, les sommes transmises via une assurance-vie échappent en grande partie aux droits de succession classiques.

Concrètement, pour les primes versées avant les 70 ans du souscripteur, chaque bénéficiaire désigné peut recevoir jusqu’à 152 500 € en franchise totale de droits. Au-delà, un prélèvement forfaitaire de 20 % s’applique jusqu’à 700 000 €, puis 31,25 % au-delà (article 990 I du CGI). Pour les primes versées après 70 ans, un abattement unique de 30 500 € s’applique sur l’ensemble des bénéficiaires, et le surplus est réintégré à la succession, mais sans droits de succession sur les intérêts générés (article 757 B du CGI).


Une exclusion des règles successorales… relative


Si, sur le plan fiscal, l’assurance-vie peut être avantageuse, il ne faut pas en conclure qu’elle est totalement « hors succession ». D’un point de vue civil, plusieurs limites existent.


Les primes manifestement exagérées


L’article L132-13 du Code des assurances permet aux héritiers de remettre en cause le contrat si les primes versées sont jugées « manifestement exagérées » au regard des facultés financières du souscripteur. Ce critère est apprécié au moment du versement, en tenant compte de l’âge, du patrimoine et des revenus. Si un tel abus est constaté, les héritiers réservataires peuvent demander la réintégration des primes dans l’actif successoral.


Atteinte à la réserve héréditaire


Le contrat d’assurance-vie ne doit pas avoir pour effet de priver les héritiers réservataires (enfants, conjoint survivant dans certains cas) de leur part minimale de la succession. Si le contrat est considéré comme ayant été détourné de sa finalité, et qu’il vise à contourner les règles successorales, le juge peut estimer qu’il s’agit en réalité d’une donation déguisée. Dans ce cas, les sommes peuvent être rapportées à la succession au titre de la réduction pour atteinte à la réserve.


Taxation au-delà des abattements spécifiques


Comme dit plus haut, s'agissant des primes versées après 70 ans, un abattement unique de 30 500 € s’applique sur l’ensemble des bénéficiaires, et le surplus est réintégré à la succession. Par conséquent, le surplus est bien taxé comme n'importe quel actif successoral. Il est donc primordial de ne pas cacher ces contrats à votre notaire ou votre avocat afin que les calculs soient exacts.


Cas pratiques et contentieux fréquents


Dans la pratique, les litiges autour de l’assurance-vie sont nombreux. Il n’est pas rare qu’un héritier découvre, après le décès, qu’une part importante du patrimoine a été transférée sur un contrat d’assurance-vie au profit d’un tiers ou d’un seul enfant, déséquilibrant ainsi la succession. Cela peut conduire à des actions judiciaires pour requalification ou réduction des primes.

Il est donc essentiel, tant pour le souscripteur que pour les bénéficiaires, de bien comprendre les limites juridiques de l’assurance-vie. Un contrat bien rédigé, proportionné au patrimoine global, et conforme à l’intention du souscripteur, a de fortes chances d’être respecté. À l’inverse, un contrat utilisé pour écarter volontairement certains héritiers s’expose à des contestations.


Le rôle de l’avocat en droit des successions


Face à la complexité des règles applicables, il est fortement recommandé de consulter un avocat en droit des successions. Celui-ci peut intervenir tant en amont, pour conseiller sur la rédaction des clauses bénéficiaires, qu’en aval, en cas de litige entre héritiers. Il peut également accompagner les démarches de demande de communication de contrats d’assurance-vie ou engager une action en justice pour contester les versements abusifs.


En conclusion


L’assurance-vie constitue un outil patrimonial efficace, mais elle n’est pas totalement hors du champ de la succession. Les héritiers peuvent la contester en cas d’abus, et des règles spécifiques s’appliquent selon l’âge du souscripteur au moment des versements. Pour sécuriser la transmission de son patrimoine ou défendre ses droits en tant qu’héritier, l’accompagnement par un avocat compétent reste une garantie précieuse.

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