La fiscalité de la prestation compensatoire : ce qu’il faut savoir
- Julie Scartabelli
- 2 oct.
- 4 min de lecture

La prestation compensatoire est souvent l’un des points les plus sensibles lors d’un divorce. Destinée à rééquilibrer la situation économique entre les ex-époux, elle peut prendre plusieurs formes : capital versé en une fois, échelonnement sur plusieurs années, voire attribution de biens. Mais au-delà de son montant, une question revient très fréquemment dans le cabinet d’avocat : quelle est la fiscalité applicable à cette prestation compensatoire ?
Beaucoup de clients sont surpris d’apprendre que le traitement fiscal varie non seulement selon qu’ils soient débiteur (celui qui paie) ou créancier (celui qui reçoit), mais aussi selon la modalité de versement choisie. Comprendre ces différences permet non seulement d’anticiper le coût réel de la prestation compensatoire, mais aussi d’éviter des erreurs lourdes de conséquences.
Le traitement fiscal côté débiteur
Du point de vue du conjoint qui verse la prestation compensatoire, le régime fiscal dépend principalement du mode et du délai de versement.
Lorsqu’elle est versée sous forme de capital dans les douze mois suivant le jugement de divorce, la loi prévoit un avantage fiscal significatif. Le débiteur bénéficie en effet d’une réduction d’impôt sur le revenu égale à 25 % des sommes versées, dans la limite d’un plafond fixé à 30 500 € (article 199 octodecies du Code général des impôts).
Concrètement, cela signifie qu’une personne qui verse une prestation compensatoire de 30 500 € dans ce délai pourra imputer jusqu’à 7 625 € sur son impôt dû.
En revanche, si le versement est échelonné sur une durée supérieure à douze mois, le régime change : la prestation devient déductible du revenu imposable du débiteur (article 156 II 2° du CGI). Dans ce cas, elle n’ouvre plus droit à une réduction d’impôt, mais elle vient diminuer le revenu global soumis à l’impôt.
Cette différence peut être importante selon la tranche marginale d’imposition de la personne qui verse. Ainsi, pour un contribuable fortement imposé, la déduction peut s’avérer plus avantageuse que la réduction d’impôt.
Il convient donc de réfléchir en amont à la stratégie la plus pertinente, en tenant compte du montant de la prestation, de la situation fiscale personnelle et du délai de versement imposé par le juge ou convenu entre les parties.
Le traitement fiscal côté créancier
Pour l’ex-conjoint qui reçoit la prestation compensatoire, les règles sont symétriques, mais elles réservent parfois des surprises.
Lorsque le capital est versé dans les douze mois suivant le divorce, la prestation compensatoire est exonérée d’impôt sur le revenu. Autrement dit, le créancier perçoit les sommes sans avoir à les déclarer, ce qui constitue un avantage non négligeable. Cette exonération s’applique quelle que soit l’importance des sommes reçues.
En revanche, lorsque la prestation est versée sur une période supérieure à douze mois, elle change de nature fiscale : elle est assimilée à une pension alimentaire et devient donc imposable au nom du bénéficiaire. Elle doit être déclarée comme revenu imposable et viendra s’ajouter à ses autres ressources. Cela peut avoir un impact non seulement sur l’impôt sur le revenu, mais aussi sur certains dispositifs sociaux ou exonérations conditionnées au niveau de revenu.
Ce point est essentiel à anticiper. Certains bénéficiaires découvrent en effet tardivement que les sommes perçues s’ajoutent à leurs revenus imposables et peuvent les faire basculer dans une tranche supérieure d’imposition.
Le cas particulier de la prestation compensatoire en nature
La prestation compensatoire peut également être réglée par l’attribution de biens en nature : par exemple, le transfert de la propriété d’un logement, d’un terrain ou de valeurs mobilières. Dans ce cas, la fiscalité ne se limite pas à l’impôt sur le revenu.
Le transfert de propriété entraîne l’application de droits d’enregistrement, assimilés aux droits de mutation. Ils sont en principe dus par le bénéficiaire, mais il est courant que les parties conviennent d’une répartition différente. Par ailleurs, le débiteur peut être confronté à une taxation des plus-values si le bien transféré n’est pas exonéré.
Ces opérations sont techniquement complexes et nécessitent une analyse au cas par cas, car les incidences fiscales peuvent parfois s’avérer plus lourdes que le versement d’un capital en numéraire.
L’importance d’une analyse personnalisée
La fiscalité de la prestation compensatoire ne doit jamais être abordée comme un détail secondaire du divorce. Pour le débiteur comme pour le créancier, les choix opérés influencent directement le coût net ou le montant réellement perçu.
En conclusion
La prestation compensatoire est un outil destiné à compenser une disparité financière née du divorce. Mais son efficacité dépend largement de la manière dont elle est mise en place et de la fiscalité qui en découle. Versement en capital dans les douze mois, étalement sur plusieurs années, attribution en nature : chaque option emporte des conséquences fiscales précises, tant pour celui qui paie que pour celui qui reçoit.
En tant qu’avocat en droit de la famille, mon rôle est d’accompagner mes clients non seulement sur le plan juridique, mais aussi sur le plan fiscal. Car un divorce bien préparé ne se limite pas à fixer un montant : il consiste à optimiser la solution retenue pour que chacun comprenne exactement ce qu’il paie, ce qu’il reçoit… et ce que cela coûte réellement après impôts.
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